Night Stop in Zanzibar

Zanzibar la nuit

     « Tu lui diras que tu as rencontré Ali Bobby ! » s'est-il exclamé en allumant sa cigarette et en se levant. Cet homme d'une soixantaine d'années, les cheveux frisés, blanchis par le temps, nous avait alpaguées pour nous inviter à sa table dans ce restaurant traditionnel en plein air au cœur de StoneTown. Pour notre première nuit à Zanzibar, nous nous étions adaptées aux mœurs locales de la vie nocturne. Fraichement sorties de la piteuse chambre d’hôtel qui nous servait de refuge, nous étions allées, toutes deux touristes, dans la première gargote alentour : un modeste bar à bière tanzanien, où était réunie une bande de personnages aussi authentiques que le lieu.

     

     Toit de chaume sur les bâtisses voisines et toit d'étoiles au-dessus de nos têtes au sommet, de hauts murs décorés de la décrépitude typique de l'île entourent le patio, des tables en plastique coca-cola, accompagnées de leurs chaises bancales, et sur une chape de béton, des bières jonchent le périmètre.

mur zanzibar

La serveuse, le pas lourd, s'approche lentement pour prendre la commande. Au choix, trois bières locales : la Serengeti, étiquette sombre, elle est appelée « Senge », la Safari, tout aussi amère, et enfin, la Kilimandjaro, la blonde légère. Les bouteilles arrivent, le mouchoir au bout de leur nez, et cette tradition de laisser la capsule en équilibre sur le dessus. Il faut avoir la présence d’esprit de commander les boissons « baridi », en swahili « froid », pour contrebalancer la moiteur ambiante. C’est ainsi que le liquide nous rappelle vaguement la fraîcheur crépusculaire des climats tempérés. Aussitôt, la table voisine nous invite à les rejoindre en offrant une deuxième tournée.

Les couleurs que les visages exposent sont si diverses que c’en est intrigant. Ali Bobby prend la parole, en nous présentant fièrement sa troupe. Mzungu blanc, indien sikh, arabes yéménites et omanais, comorien, syrien et continentaux noirs comme l'ébène, mais tous Zanzibarites. C’est le discours qu’ils revendiquent et qui fait office de ciment social sur cette île cosmopolite.

independance zanzibar

     Ali continue à nous parler tant et si fort qu'il finit par nous captiver. Quand le mot Tanzanie retentit, le zanzibari lève la voix. Puis, la conversation prend une tournure politique où l’opinion de tous les participants ne forme qu’une seule voix : celle du désir d’indépendance de l’archipel de Zanzibar du reste du pays, la partie continentale tanzanienne, le Tanganyika. Et sans crier gare, Ali se dégage de la table et nous invite à parler de lui au directeur de notre auberge, le vieux gardien sempiternel, assis sur les marches de l’entrée : « tu lui diras que tu as rencontré Ali Bobby ! » Puis, il s’en va en laissant une fumée de cigarette derrière lui et une tablée qui se disperse, enfin s’évapore.

 

 


red monkey lodge
Jam session au red monkey lodge