Vernon Anthony Cloete

Roots inspiration

vernon anthony cloete

Depuis ce jour où il est monté sur scène, à l’école primaire, il n’a plus voulu la quitter. Entre théâtre, télévision et musique, Vernon conjugue son activité artistique avec le militantisme pour la protection des minorités tribales namibiennes.

     « C’est une bête de scène » disait Gary, le saxophoniste qui jouait avec Vernon, « il ne peut être bon que sur la scène devant le public ». Les répétitions, quant à elles, ne méritaient pas un grand effort pour Vernon, le chanteur. Il arrivait au mieux avec une heure de retard et commandait un gin tonic en entrant. Mais devant un public, il jouait son rôle parfaitement. Il captive les spectateurs dès qu’il prend le micro. « C’est un artiste ! » concluait Gary.

Sa manière de parler est assez propre à son style : une coupe de cheveux afro poivre et sel, une lumière qui brille dans la fente de ses yeux aiguisés, une indolence excessive, le tout combiné à cette manière de s’adresser à chacun en l’appelant « mon frère » ou « ma sœur », cet anglais parfaitement maitrisé avec un accent branché difficile à identifier, les R qui roulent des tambours, et des tics expressifs à la « cool ». Demander si ca va et l’entendre répondre : « groovy ».

Il est en permanente recherche de la good vibe si on veut schématiser. L’inspiration lui dérobe le sommeil et ses nuits sont peuplées de poèmes qu’il écrit. En anglais ou en Nama Afrikaans, la prose défile dans ses pensées. Le plus marquant est lorsqu’il parle en clic. La gorge émet des sons insoupçonnés qui en rythme font l’effet d’une beat box.

     La langue des clics est celle de son origine. Il est né à Nababeep, dans la région de Namaqualand en Afrique du Sud, le 23 septembre 1972. « Namaqualand est célèbre pour ses marguerites colorées et ses fleurs sauvages qui fleurissent en Septembre” aime-t-il ajouter. Ses deux parents sont de cette région, tous les deux métis : moitié Khoïsan et moitié hollandais. Les Khoi-San sont un peuple de bushmen du sud de l’Afrique. Cette population autochtone serait présente dans la région depuis 44 000 ans. Aujourd’hui, marginalisés par la société, ils vivent principalement dans le désert du Kalahari.


C’est de son origine tribale qu’il puise son inspiration. Et pour la protection de la minorité qu’il œuvre à la valorisation de la culture autochtone.


Territoires de Khoisan

khoisan namibie

     Vernon se rappelle de leur arrivée en Namibie en 1977 : « Mon défunt père est arrivé avec mes frères et sœurs quand j’avais 5 ans, dans la ville côtière de Swakopmund pour travailler dans une mine d’uranium ».

     Cette époque était encore celle de l’Apartheid. Ses souvenirs parlent : « Les bergers allemands couraient derrière nous juste parce que nous n’étions pas blancs ». Il se remémore aussi les bons moments passés avec ses huit frères et ses deux sœurs, à jouer sur les dunes de sable qui bordaient l’océan. En CE2, il assiste à un atelier d’initiation au théâtre. Et c’est depuis cet instant qu’avec le soutien de son professeur, il n’a plus voulu quitter la scène.

     Pour lui, la Namibie est pays attractif non seulement « très riche en minéraux » mais aussi « touristique ». Toutefois, c’est un pays « qui ne veut pas promouvoir l’identité aborigène comme richesse ». Il ajoute : « cette identité ancestrale, c’est la mienne, celle des San, et des Khoïsan ».

Aujourd’hui, il fait partie d’un grand groupe de militants, tous artistes namibiens qui luttent pour le droit des indigènes. Plus précisément, l’association Aboriginal Khoisan Movement of Namibia, fait la promotion de la culture San, Khoïsan et Nama. Il suffit de voir leur page facebook pour comprendre leurs intentions :

-              -  la réhabilitation du statut des Khoisan comme étant le peuple premier de la région ;

-               - relever toutes informations relatives à leur culture ;

        -  unir toutes les familles de ce peuple – à savoir les Basters (descendants des      - liaisons matrimoniales entre femmes africaines et colons néerlandais), les Coloured (groupe ethnique issu de mélanges multiples, les Bruinmense « gens bruns » en Afrikaans), les Namas (population de pasteurs) et les San (Bochimans, traditionnellement chasseurs-cueilleurs) ;

-               - Chercher réparation complète et justice envers les Khoisan ;

-               - Exercer une pression sous forme de lobby régional et international. 

     Un vaste territoire désertique abrite l’un des plus anciens peuples du monde : les San. Cette dénomination de l’ethnie est plus politiquement correcte que celle de Bochimans (bushmen) introduit par les Boers. Leur habitat actuel est réduit au désert du Kalahari. Au cours des siècles, ils sont décimés par l’arrivée des hottentots et des bantous. Repoussés dans les terres les plus ingrates, ils sont enfin réduits à la misère par les hollandais au XVIIème siècle. En 1904, les Namas et les Hereros sont victimes du premier génocide que le XXème siècle ait produit, lorsque les allemands conquièrent la Namibie. Ce génocide est largement oublié. 

     Ce passé renié, Vernon veut le rappeler. Sa lutte pour la valorisation du patrimoine culturel Khoisan s’arme de littérature, théâtre et musique. Jeune homme, il part étudier le théâtre à Capetown. Il se lance comme comédien freelance à Windhoek, capitale de la Namibie. Très vite, il comprend qu’il doit diversifier ses activités dans le domaine artistique. Il travaille donc en télé, cinéma, radio et journalisme artistique. Il ne cesse de se lancer dans de nouvelles formations : celle de scénariste à l’université, puis celle d’écriture créative pour les médias. Sa curiosité lui indique toujours de nouveaux chemins.

     Ainsi, il voyage à travers le monde, France, Pays-Bas, Afrique du Sud, Tanzanie… Il publie un recueil de poésie en Afrikaans, traduit aussi en anglais. 

Ses projets

Après quatre ans d’expatriation, il revient aux sources, en 2015, en Namibie. En parallèle de ses activités théâtrales ou télévisuelles, il choisit de donner naissance à un nouveau projet en lien avec ses racines. Dans une mouvance jazz, il travaille avec groupe sur un album de fusion qu’ils veulent lancer l’année prochaine. Cette musique mélange le folklore Nama et Baster. Leur inspiration vient entre autres du Vastrap qu’il décrit lui-même comme « une valse swing syncopée », une union entre les danses de transe Khoisan et la musique folklorique hollandaise, ou bien le Kwela, ce type de musique sud-africaine des années 50, dominée par une étrange flute, le Tin Whistle.


Vernon définit leur ambition comme cela : « Nous voulons voir une Namibie authentique qui s’expose aux yeux du monde. Le monde attend de découvrir l’art namibien de la part de personnes telles que les San, les Khoisan et Baster. » Il insiste en déclarant : « Nous persévérerons, en tant qu’artistes namibiens, à promouvoir notre identité indigène, avec l’appui de l’art, tant que le gouvernement, où les San sont absents, perpétuera une politique de déni de l’héritage culturel de si anciennes ethnies ».


Vernon en concert

Pub marrante où il joue

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